Traîtrise et objectivité font-elles bon ménage ?
Traîtrise et objectivité font-elles bon ménage ?
Au fil de ses déclarations durant la campagne pour l'élection présidentielle, Emmanuel Macron avait dessiné par petites touches ce que serait son gouvernement s'il accédait à l'Élysée. Comme prévu, dès le lendemain de sa prise de fonctions à l'Élysée, Emmanuel Macron a nommé son Premier ministre. Poursuivant sa logique de recomposition politique en prenant à contre pied les partis traditionnels, il a choisi un élu issu de la droite modérée : Edouard Philippe, le député-maire du Havre, un fidèle d'Alain Juppé. Les deux hommes se sont attelés à la composition d’un gouvernement avec des personnalités issues de la droite, du centre, de la gauche et de la société civile.
Depuis l’aube du monde, les Hommes politiques n’ont cessé de cliver pour exister sur l’échiquier politique. Il est alors aisé de comprendre le désintérêt que manifestent les français à l’égard de la politique (pris au sens large du terme) et des élus qui n’ont de cesse de trouver des excuses pour dissimuler leur incapacité à pratiquer le travail collaboratif pour solutionner des problématiques relevant de l’intérêt général.
Dans le cadre des missions de l’association Thémis Est-Lyonnais, les San Priods m’ont souvent fait part de leur dégoût envers ceux qui « leur ont fait des promesses en période électorale et qui une fois élus retournent leur veste pour se mettre aux ordres des sbires de leur parti politique ». Je cite : « ah ! c’est pour quoi ? Ça cause politique ? Alors non merci, ça ne m’intéresse pas. De toute façon, ce sont tous les mêmes » ! Aujourd’hui, force est de constater qu’un bon nombre de gens (alors que je devrais plutôt employer le terme de citoyens) partage ce constat ; ils sont devenus méfiants à l’égard de la politique. Elle serait pire que la peste noire. Ce désintérêt pour l’organisation sociale de notre environnement (lieu de vie - commune) profite à présent aux manipulateurs et aux assoiffés de mandats qui pour assurer leur élection ou leur réélection vous accompagnent sur le chemin de l’ignorance et donc de votre apprivoisement intellectuel.
Pour illustrer mes propos, je citerai un passage de Frédéric Lenoir dans « L’âme du monde » : « tout le chemin de la vie, c'est de passer de l'ignorance à la connaissance, de l'obscurité à la lumière, de l'esclavage des sens à la liberté de l'esprit, de l'inaccompli à l'accompli, de l'inconscience à la conscience, de la peur à l'amour ». Dans le fond, faire de la politique s’adresse à celles et ceux qui ont la faculté de raisonner, de penser, de prendre de sages décisions pour le bien des femmes, des enfants, des hommes, d’un peuple, d’une « communauté » … C’est ça être un citoyen ! Mais la citoyenneté ne se limite pas qu’au droit de vote pour désigner nos représentants.
En effet, nous votons pour nos représentants, comme si nous leur donnions notre citoyenneté, c’est-à-dire notre capacité à réfléchir et à agir dans l’intérêt des territoires et ceci durant la période de leur mandat. Une fois élus, ils sont mandatés pour travailler autour des événements touchant à l’organisation des villes et des territoires. À titre d’exemple, le passage du baccalauréat, les jeux olympiques, les activités industrielles et tertiaires, une grève, un match de football, un concert ou une révolution sont des événements politiques, certains portant en plus des revendications politiques explicites. Ce n’est donc pas un hasard s’il existe un ministère de la culture, de l’industrie, du sport, du numérique, du travail, de l’industrie, de l’écologie…
En date du 7 mai 2017, les citoyens ont élu à la majorité Emmanuel MACRON, Président de la République. Son élection a retenti tel un coup de tonnerre dans le paysage politique français. La décomposition et la recomposition du monde politique français qu’elle engendre donnent l’occasion à un bon nombre d’hommes et de femmes issus de courants politiques divers et variés d’utiliser à mauvais escient le mot « traitre » sans véritablement en connaître le sens, le fondement et l’esprit.
A tout juste 39 ans, Emmanuel MACRON a fait voler en éclat les forteresses 5 étoiles Gauche / Droite dans lesquelles les apparatchiks adeptes de l’alternance ou de la reconquête trouvaient refuge. Après cinq années d’opposition ou d’écrans de fumée systématiques, la plupart d’entre eux a contribué à l’échec de leur parti qui lui laissait à son tour les manettes pour aller suivre une cure de 5 années d’opposition stérile. Dans ce cas, le mot « traître » est un adjectif qui pourrait même devenir flatteur.
Cette élection présidentielle a envoyé un message fort, un message audible auprès d’un grand nombre d’électeurs et inaudible, voire comique, chez les conservateurs d’un système politique archaïque, à bout de souffle, aux pratiques et aux méthodes obsolètes. Pourquoi ? Tout simplement, parce que le clivage est tout ce qu’il leur reste pour subsister en ces périodes de turbulences politiques. Certains en arrivent même à qualifier leurs collègues, leurs connaissances et leurs amis de traitre pour un jour avoir pris la décision de s’extirper de ces postures et servir en priorité l’intérêt des citoyens et donc ceux de la France.
En tant que citoyen qui s’intéresse à la vie organisationnelle de sa commune, de sa région et de son pays, je me suis longuement interrogé sur ce qualificatif réducteur souvent utilisé pour détruire ou salir un Homme, un Citoyen… Vous n’êtes pas encarté, soit ! Mais est-ce trahir un parti ou une formation politique, si vous décidez de le quitter pour contribuer au redressement de la France avec celles et ceux qui se sont dressés contre le fossé infranchissable Gauche / Droite ? Les électeurs considéreront ils votre démarche comme un acte de courage ou plutôt comme un acte de trahison ? Dans ce cas, qu’auriez-vous trahi ou qui ? La démarche visant à œuvrer pour l’intérêt général ? Le peuple français ? Vos « amis » ? Vos collègues de travail ? Votre conscience… ?
Pourtant c’est ce que réclament les électeurs depuis bien longtemps ! Est-ce si compliqué que de se mettre autour d’une table pour traiter collégialement les problématiques à l’échelle des communes, des régions, de la nation et ce, peu importe les sensibilités politiques ?
De Gaulle était considéré comme un traître lorsqu’il a quitté le territoire Français afin de réunir, par son appel du 18 juin 1940, les résistants de droite et de gauche pour faire face à l’envahisseur allemand. Les « non traîtres », j’entends par là ceux restés à Vichy, n’étaient pas pour autant tous des collaborateurs. Malgré tout, en ces moments de souffrance, les français ont su passer outre le stupide clivage Traître / Collaborateur.
Dernièrement, c’est Emmanuel Macron qui, le 18 juin 2017, soit 77 ans plus tard, propose au peuple de France, aux citoyens, de profiter des élections législatives des 11 et 18 Juin prochain pour juger le qualificatif traître.
Le président Emmanuel Macron a nommé Edouard Philippe 1er ministre de la République Française. Celui-ci, en âme et conscience, a accepté cette nomination dans l’intérêt des Français. Pour autant, les citoyens français doivent-ils considérer le 1er ministre comme un traître au motif qu’il a pris la décision de mettre en œuvre le programme d’Emmanuel Macron ? Son ex-parti, les LR, le considère comme tel. Il me semble que cela ne soit pas l’avis de tous les français.
Gérard Collomb, ancien président de la métropole de Lyon, a accepté le poste de ministre de l’intérieur. Il devient de facto le numéro deux après le Président. Cette promotion doit-elle être assimilée à un acte de traîtrise vis-à-vis de son parti le PS ? Les hypocrites le pensent contrairement à l’opinion générale des français.
Un autre exemple ; Nicolas Hulot, serait-il un traître à la cause écologique depuis sa nomination en tant que ministre de la transition écologique ? Dans les partis écologistes, certains le prétendent, mais leur opinion ne semble pas vraiment suivie par celui des Français.
Au final, le gouvernement récemment formé par le président est-il un gouvernement composé de traîtres ou bien un gouvernement de rassemblement et de lucidité qui veut s’inscrire dans le progrès ?
Pour des raisons qu’il n’est plus nécessaire de rappeler, les partis traditionnels ont été abandonnés par leur électorat et sérieusement discrédités par leur fonctionnement respectif. Éliminés au second tour des élections présidentielles, ils prétendent toujours bénéficier d’une majorité pour disent-ils combattre « les traîtres du gouvernement ». Quel crédit peut-on donner à cette posture partisane, d’un autre temps politique dont l’ultime page se tourne en ce moment ? Et si l’objectif de ces formations politiques se résume à éliminer les traîtres alors autant dire que plus des deux tiers des députés qui siégeront à l’assemblée nationale seront dans le collimateur des partis minoritaires.
Selon nos spécialistes de la politique politicienne, une nouvelle histoire s’écrit avec à gauche des traîtres qui sont à droite et à droite des traîtres qui sont à gauche. Les raccourcis sont probablement très simplistes, mais il semblerait, tant à gauche qu’à droite, que nos élus puissent être fiers d’être considérés comme des traîtres.
« Plus que le parti, il y a le pays ». Edouard Philippe
« Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet ». Georges Courteline
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